Comment j’ai prouvé que la Terre est sphérique et mesuré sa circonférence avec une station météo amateur (et accessoirement l’explosion d’un volcan)… 23 janvier 2022 23 janvier 2022 Frédéric Genevey

Selon une étude de l’IFOP de 2017 (page 99) sur le complotisme, 9% des Français pensent qu’ « il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école ». On appelle les personnes qui croient à une Terre plate, des platistes. Mais reprenons les choses au début.

Tout est parti de cet article du blog de Météosuisse, titré « L’onde de choc du Hunga Tonga passe par la Suisse ». Entre 4h et 5h UTC, le 15 janvier 2022, le volcan Hunga-Tonga, dans les îles Tonga, au milieu du Pacifique, explose. C’est un fait.

Explosion du Hunga Tonga

Les scientifiques de la NASA estiment la puissance de l’explosion entre 5 et 30 mégatonnes. Elle a été suffisante pour pratiquement volatiliser l’île volcanique.

Dans son article, Météosuisse indique que les deux ondes de choc atmosphériques ont pu être mesurées sur les baromètres suisses.

Une onde de choc, comme on peut parfaitement bien le voir lorsqu’on lance une pierre dans un étang, est une succession de hauts et bas qui se déplacent de manière concentrique. C’est du reste ce qui a été observé par satellite, comme c’est expliqué dans cet article de Nature.

Alors pourquoi deux ondes de choc? Et bien parce que les îles Tonga ne sont pas exactement à l’opposé de la Suisse, sur la sphère terrestre. Une onde de choc se déplace en un cercle toujours plus grand autour de son endroit d’émission. Entre cet endroit et un point de mesure, on trace donc une ligne droite. La première onde de choc est celle qui a eu le moins de chemin à parcourir pour atteindre la Suisse. La seconde a pris le chemin exactement opposé, et donc a eu un plus grand chemin à parcourir.

Cela aurait été rigoureusement impossible si la Terre avait été plate. En effet, il n’y aurait eu qu’une seule onde de choc, la seconde ne pouvant pas faire le tour de la planète de l’autre côté!

Et ce serait la même chose, quelle que soit la représentation platiste.

C’est là que tout bon complotiste devrait me rétorquer qu’il s’agit de données gouvernementales, donc issues de la conspiration mondiale. Certes. Donc si Météosuisse a pu mesurer les deux ondes de choc sur ses instruments de mesure, est-ce que je suis moi aussi en mesure de le faire? Car il se trouve que je possède une station météo amateur à mon domicile. Un Mac Mini collecte chaque minute les données de cette station météo. Il s’agit de matériel de qualité.

Station Davis Vantage Vue, installée à mon domicile

Selon le graphique de Météosuisse, je devrais voir la première onde de choc le 15 janvier vers 20h00 et la seconde le 16, juste après minuit. Voici ce que j’ai donc pu observer sur le graphique hebdomadaire des pressions:

Les deux ondes de choc sont visibles aux bonnes heures.

Je suis donc allé chercher dans l’ordinateur connecté à la station météo les données brutes pour les 15 et 16 janvier. Ces données sont disponibles ici:

Voici ce que cela donne sous forme de graphique:

Les deux ondes de choc sont clairement visibles

De telles variations de pression, durant un laps de temps aussi réduit ne peuvent être dues qu’à des ondes de choc atmosphériques. En l’occurence, ici, celles de l’explosion du Hunga Tonga. Il y a donc bien eu deux ondes de choc principales.

Mais sachant qu’une onde de choc se déplace dans l’atmosphère à la vitesse du son, connaissant l’heure de l’explosion du volcan, et les heures de mesure des ondes de choc chez moi, il doit donc être possible de mesurer la circonférence de la Terre! Alors allons-y!

Comme on peut le voir ci-dessous, on peut estimer l’heure de l’explosion vers 4h50 UTC, soit à 5h50, heure suisse.

Source: https://cimss.ssec.wisc.edu/satellite-blog/archives/44252

Le pic de mesure de la première onde de choc a été mesuré à 20h45, avec 1023.77 hPa. Il s’est donc écoulé 14 heures et 55 minutes, entre l’explosion et l’arrivée de l’onde de choc en Suisse (donc 14.9 heures). La vitesse de déplacement d’une onde de choc dans l’air est celle du son, en moyenne 1224 km/h. La distance parcourue par la première onde de choc est donc de 18’258 km.

Le pic de la seconde onde de choc a été mesuré à 0h06, avec 1022.35 hPa. La seconde onde de choc a donc mis 18 heures et 16 minutes pour parvenir en Suisse (donc 18.26 heures). La distance parcourue est donc de 22’358 km.

L’addition des deux distances va donc nous donner la mesure de la circonférence terrestre, soit 18’258+22’358=40’616 km. La mesure réelle de la Terre à l’équateur est de 40’075 km… soit à peine plus d’1,3% d’erreur!

Il est intéressant de constater qu’un événement qui se déroule presque à l’autre bout de la Terre peut avoir des conséquences mesurables dans notre atmosphère, localement. Il reste maintenant à savoir s’il y aura des conséquences climatiques à l’explosion du volcan Hunga Tonga. Dans les faits, comme me le fait remarquer un ami, j’ai juste démontré que mes données sont conformes à mon hypothèse. J’ajoute que mes données permettent d’approcher d’assez près la mesure de la circonférence de la Terre réalisée selon une autre méthode par le mathématicien et astronome grec Eratostène… au III ème siècle avant Jésus Christ!