Quelle durée de vie pour un eBook? 16 août 2017 16 août 2017 Frédéric Genevey

Cela peut paraître paradoxal de parler de durée de vie pour un livre dématérialisé. Et pourtant! Les grandes bibliothèques d’Europe regorgent de livres vieux de plusieurs siècles. On a retrouvé des milliers de tablettes d’argile couvertes d’écritures cunéiformes issues de l’ancienne civilisation mésopotamienne. Et que dire des manuscrits de la Mer Morte et des stèles gravées de hiéroglyphes égyptiens ou précolombiens? Sans parler des grottes de Lascaux et de Chauvet. Bref, le contenant est parfois si durable que nous avons perdu la connaissance de la lecture du contenu.

Manuscrit de la Mer Morte

 

Je possède presque deux mille livres. En papier. Et le double en eBooks. Et là, je me pose une question: est-ce que dans 2’000 ans, l’Humanité sera encore capable de les lire, tout comme nous déchiffrons les manuscrits de la Mer Morte? Sachant que j’ai des données datant de 1995-2000 sur des cartouches SyQuest que je ne peux plus lire aujourd’hui, si je ne possède pas un lecteur SCSI et un Mac sous Mac OS 9, ainsi que son clavier et sa souris avec des ports ADB, je me pose la question. A l’époque, je sauvegardais mes données sur des cartouches EZ-135 de SyQuest. Un jour, mon lecteur est mort. Or, impossible de retrouver un autre lecteur dans le commerce. SyQuest a en effet fait faillite en 1998. J’ai toujours mes cartouches. Un jour, je mettrai peut-être la main sur le lecteur idoine.

Lecteur EZ-135 de SyQuest

 

Le problème n’est pas seulement l’accès physique aux documents. Aujourd’hui, avec le stockage dans le cloud, on peut espérer se passer d’un format d’accès physique à ses données. Le problème est logiciel. Les enseignants vaudois le savent bien: adeptes du génial ClarisWorks, puis d’AppleWorks, certains fichiers ne sont plus utilisables sur les ordinateurs récents.

Lorsque j’ai un ebook au format ouvert ePub, je suis à peu près sûr de pouvoir le lire sur la durée, d’un périphérique à l’autre. Le cas échéant, je suis aussi à peu près sûr de trouver un convertisseur pour transformer mes fichiers ePub vers le nouveau format qui va le supplanter. La simplicité du format ePub le rend durable, presque éternel. Aujourd’hui, je lis encore n’importe quel fichier .txt ou .rtf d’il y a 30 ans. Mais à partir du moment où des DRM entrent en jeu, c’est fini. Dès que la technologie d’autorisation de lecture sera désuète, ce sera fini. Alors que la plupart des DRM sont issus de l’univers Adobe, on va se retrouver comme tous ces sites et contenus en flash qui va devenir d’un seul coup obsolète et rapidement illisible lorsqu’en 2020, Adobe va abandonner le support de sa technologie.

Dès lors, je constate une chose: par rapport au livre papier, je paie le même prix pour un ebook sans DRM ou pour un ebook avec DRM. Dans le premier cas, j’ai un fichier informatique durable. Dans le second cas, la durabilité est tellement limitée que j’estime payer un service: un droit de lecture pendant 6-7 ans. Et je trouve cela inadmissible de vendre ce service au même prix qu’un fichier durable, que je pourrai transmettre à mes enfants, et eux, sans doute à leurs petits-enfants, tel un livre. Mes ebooks avec DRM, eux, dans 10 ans, ils seront très probablement inutilisables.

Je suis contre les DRM. Mais les epub vendus sans DRM sont maintenant quasi inexistants. Alors je veux bien payé un service en achetant un ebook avec DRM, mais de loin pas au même prix qu’un ebook sans DRM ou un livre physique. Si les maisons d’édition ne comprennent pas cela, ce sera la mort des livres numériques dès le prochain saut technologique. Dans les faits, les maisons d’édition qui imposent des DRM ne voient que les profits à court terme et scient allégrement la branche sur laquelle ils sont assis.

Dans l’attente, je n’ai qu’un conseil à donner: piratez vos livres numériques! Moi, il m’arrive très souvent d’acheter un livre numérique uniquement disponible avec DRM, de le jeter et de le pirater immédiatement après…