Quelle alternative à WhatsApp en milieu scolaire? 22 juin 2018 22 juin 2018 Frédéric Genevey

De (très) nombreux enseignants utilisent WhatsApp via un groupe de classe pour communiquer avec leurs élèves et faire de la gestion de classe. Par ailleurs, de nombreux enseignants utilisent WhatsApp entre eux pour s’échanger des informations sur les élèves (absences, souci de comportement…). Tout comme pour l’utilisation de DropBox, cela pose un certain nombre de problèmes légaux; en particulier dans la mesure où les données ne sont pas hébergées en Suisse ni soumises à un for juridique suisse ou à un accord spécifique entre la Suisse et l’entreprise. À cela s’ajoute enfin le fait que WhatsApp vient d’augmenter l’âge minimum dans la « région européenne » (qui inclut nommément la Suisse) pour l’utilisation de son logiciel de 13 à 16 ans. Sans exception. Mais aussi sans volonté claire de procéder à un contrôle de l’âge de ses utilisateurs.

Cela à cause (ou grâce) au nouveau règlement sur la protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur, et qui touche indirectement les citoyens suisses, souvent englobés dans l’Europe dans les conditions générales des entreprises. Or, le RGPD fixe à 16 ans l’âge auquel un mineur peut consentir seul au traitement de ses données à caractère personnel et donc accéder à des services demandant des données personnelles. Cela concerne pratiquement tous les services demandant une inscription, y copris de nombreux sites ou applications pédagogiques.

Il faut bien comprendre que l’usage de WhatsApp (mais aussi de DropBox) s’est imposé, en particulier pour cause d’absence d’alternative crédible mise à disposition par les départements de la formation. Sans système de gestion informatique des absences, en l’absence de cloud scolaire officiel et d’une plateforme d’échange entre professionnels simple à utiliser (à l’exception du mail d’Educanet2), ce sont des outils largement utilisés à titre privé qui ont pris place dans l’espace vide. Or si WhatsApp s’est imposé, c’est parce que c’était l’outil naturellement utilisé par les élèves à titre privé, mais aussi les enseignants.

S’il est encore possible de se passer de ces outils, il faut néanmoins constater que la numérisation de l’école les rend a minima pratiques, si ce n’est pas indispensable. Nous sommes ainsi de très nombreux enseignants à devoir payer de notre poche un compte DropBox Pro (99$/an) pour un usage professionnel.

En 2016, le préposé à la protection des données et à la transparence de Neuchâtel et Jura a publié un article sur l’usage de WhatsApp en milieux scolaire.Voici le point principal:

« L’utilisation de WhatsApp est déconseillée, mais les enseignants peuvent communiquer avec les élèves par ce service si l’ensemble de la classe l’utilise déjà, ou que ceux qui ne l’ont pas encore ne sont pas poussés à le faire. Dans tous les cas, il serait bien que l’utilisation soit préalablement accompagnée d’informations à propos des dangers de tels services au niveau de la protection des données personnelles. »

Entre-temps, WhatsApp a modifié ses conditions générales pour partager une partie de ses données avec Facebook, au point que ses deux cofondateurs, en désaccord avec Facebook, ont quitté le navire.

Cesla Amarelle est consciente de la problématique. Elle aborde le sujet dans cette interview (dès 5’30’’): Interview RTS. La Cheffe du Département n’interdit pas l’utilisation de WhatsApp (mais cette interview date d’avant l’interdiction de WhatsApp aux moins de 16 ans), si l’outil est cadré et maîtrisé par les enseignants. Elle privilégie très justement l’éducation à l’interdiction. En effet, avoir un groupe de classe implique que les élèves s’y comportent d’une manière correcte tout en suivant des règles imposées par l’enseignant. Cela aura encore plus d’effet si l’enseignant discute de ces règles avec les élèves et les explique.

Sébastien Fanti, le bouillonnant préposé à la protection des données du canton du Valais, incite les enseignants à abandonner WhatsApp au profit de Threema (https://threema.ch/). Il s’agit d’un logiciel de chat, tout comme WhatsApp, mais d’origine suisse, extrêmement crypté et dont toutes les données sont hébergées en Suisse. Le hic: l’application vaut 3.-. Il existe une version Pro, avec un tarif éducation. L’application est alors gratuite, mais il faut payer 9.- par élève et par an… M. Fanti ne précise pas qui doit payer. La solution est néanmoins extrêmement intéressante.

Une chose est certaine: la rentrée scolaire prochaine se fera sans WhatsApp. J’ai cherché quelques alternatives à WhatsApp pour le milieu scolaire et j’en ai fait un tableau récapitulatif:

Lien vers le tableau au format PDF: https://mitic.education/wp-content/uploads/2018/06/Comparatif_chats-1.pdf

 

Si Telegram est très largement utilisé au niveau mondial (200 millions d’utilisateurs), son histoire, son financement, son lien avec les milieux d’activisme politique en fait un outil politiquement délicat pour une institution scolaire; et ce malgré sa grande facilité d’utilisation.

Signal a l’avantage d’un code open source et de la caution d’Edouard Snowden. Tout comme Telegram, il est gratuit, multi-plateforme et simple d’utilisation. Par contre, tout comme Telegram, impossible de l’utiliser sans numéro de téléphone.

Il nous reste donc les deux régionaux de l’étape; Wire et Threema; avec une différence de pointe: Threema héberge ses données en Suisse et son app est payante (sauf dans le cas d’un plan payant annuel spécial éducation). Wire héberge, elle, ses données sur des serveurs européens. Cette entreprise ne semble du reste n’avoir qu’une adresse juridique et fiscale à Zug. L’équipe de développeurs, elle, semble être aux USA.

Au final, la meilleure solution semble être l’une de ces deux entreprises; avec une préférence personnelle pour Threema, à condition de trouver le financement nécessaire. Et c’est là le nerf de la guerre. Quel sera le choix laissé aux enseignants, entre l’interdiction totale, la plateforme imposée et une indépendance payée au prix fort.

Il reste une toute dernière alternative; à savoir une solution cantonale créée et hébergée en interne. Si une telle solution devait être choisie (et imposée), j’attire l’attention sur plusieurs points: actuellement, les ressources humaines dévolues à une telle solution seraient bien plus utiles sur d’autres fronts MITIC. Les ressources financières pourraient être allouées pour un prestataire extérieur sous contrat, comme cela serait le cas de Thremaa. Ce dernier supporte aussi les investissements nécessaires dans l’infrastructure et le développement. Sans compter que c’est aussi lui qui sera légalement responsable en cas de problème. Développer une solution interne signifie développer aussi des app devant être compatibles avec une multitude d’appareils. Enfin, une solution technologique a toujours plus de chance d’être largement et facilement adoptée lorsqu’elle est imposée, quand elle fait partie des outils déjà utilisés à titre privé. Pourquoi réinventer la roue?

 

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer