Catégorie : Education aux médias

On n’est plus dans le pétrin

Le pétrin, dans ma cuisine, est un élément central. J’avais de nombreux robots ménagers. Il ne me reste qu’un pétrin, un Bamix et un blender.

Chez nous, il y a peu de nourriture industrielle, et la pâtisserie est un plaisir partagé entre ma femme et ma fille. Le pétrin est donc l’appareil le plus sollicité avec le Bamix (on aime les soupes). A l’époque, je profitais des soldes, et j’achetais de l’électroménager bon marché. J’ai ainsi acheté un pétrin Krups (en réalité, le groupe SEB) il y a bien des années. Un appareil, qui malgré une grosse quantité de plastique, a tenu bien des années… sauf les batteurs. Très vite, le batteur à pâte souple a vu sa peinture d’écailler, celle-ci se retrouvant dans les pâtes. Le batteurs à mousse se désagrégeait en plein usage. Il restait le pétrin, qui lui tenait. Mais il a fallu commencer à séparer la peinture de la mie lors des derniers pains. L’appareil fonctionne parfaitement, mais il est très difficile de trouver des batteurs de remplacement à prix corrects; batteurs qui auront le même problème.

C’est très frustrant. N’en pouvant plus de bouffer de la peinture, alors qu’on essaie de manger relativement sainement, ma femme et moi avons décidé de le remplacer, et de partir sur une valeur sûre… tellement sûre que sa valeur financière est très élevée: un pétrin Kitchenaid.

Pourquoi ce choix? Premièrement, parce que ma belle-soeur en a acheté un, et elle a un instinct inné pour tout ce qui est de qualité.

En réalité, il y a plus que cela. Cet appareil est fabriqué aux USA. Je ne me fais pas d’illusion; une partie des composants doit provenir de Chine, mais un effort est fait pour, depuis la fin des années 40, continuer de produire l’ensemble des pétrins à Greenville, en Ohio. Et ça, je trouve vraiment cool. La marque a été rachetée par Whirlpool, mais la production reste en Ohio.

Un second point: ce pétrin est de l’anti-obsolescence programmée. Pour preuve: il y en a peu d’occasion à vendre, et ils sont souvent à un prix très proche du neuf. Mon premier réflexe a été de chercher une occasion dans un rayon autour de moi. Il n’y en avait que deux, au même prix que le neuf, Black Friday oblige. Explorons un peu plus loin ce sujet:

  • Le design date des années 30, et n’a que peu évolué depuis. Tous les accessoires compatibles « modèle K » depuis les années 30 sont toujours compatibles avec le modèle 2022. On a donc plus de 80 ans de rétro-compatibilité!
  • La carcasse du pétrin est fabriquée en fonte d’aluminium, très épaisse C’est du lourd, du solide, de l’increvable.
  • On trouve des pièces de rechange facilement.
  • Regardez la photo au-dessus de ce texte: au-dessus du sélectionneur de vitesse, il y a une espèce de vis noire. On la retrouve de l’autre côté. Il s’agit de la vis qui permet de changer les charbons, qui font le contact électrique. On pourrait utiliser un moteur sans charbon, appelé brushless. S’il est plus performant, il nécessite une électronique avec microcontrôleur plus pointue pour le gérer. Le moteur avec charbon (brushed), lui, est bien plus simple à concevoir et on n’a pas besoin d’un microcontrôleur pour le commander. Dans notre cas, où on n’a pas besoin d’un performance extrême, ce choix de la simplicité implique une longévité accrue. Le fait que les charbons soient accessibles facilement et changés en moins de 5 minutes (pour quelques francs), rend cet appareils résolument durable.
  • Mon précédent pétrin, qui peinait parfois, avait une puissance de 900W. Le Kitchenaid a une puissance de 300W. Vu la courte durée d’utilisation, ce n’est pas cela qui fera changer ma facture d’électricité. Mais cela m’interpelle: un moteur d’ancienne génération, 3 fois moins puissant, est, selon ce que je vois, aussi efficace, et sans doute plus qu’un moteur de 900W. Le secret réside sans doute dans la transmission directe. Un jeu d’engrenages, et c’est joué. On ne perd pas de la puissance avec des systèmes à courroie.
  • Mon robot Krups/SEB est sensé pouvoir recevoir des accessoires, que je n’ai jamais pu trouver dans le commerce. Par contre, le Kitchenaid semble faire son beurre avec une multitudes d’accessoires, compatibles avec son connecteur de nez (je le rappelle, similaire aux modèles des années 30).

J’aimerais pouvoir, dans 10 ans, 20 ans, 30 ans,… refaire un article sur mon pétrin Kitchenaid, ce que je ferai s’il sera toujours en fonction. D’ici-là, je vous publierai régulièrement des comptes-rendus.

Note: cet article n’est pas sponsorisé. Les appareils nommés ont été achetés entièrement avec mon argent, sans aucun lien commercial ou moral avec les marques mentionnées. Je ne touche aucune rétribution de mes activités sur mitic.education. Il y a bien un Patreon, mais personne n’a jugé bon de financer mitic.education.


Comment j’ai prouvé que la Terre est sphérique et mesuré sa circonférence avec une station météo amateur (et accessoirement l’explosion d’un volcan)…

Selon une étude de l’IFOP de 2017 (page 99) sur le complotisme, 9% des Français pensent qu’ « il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école ». On appelle les personnes qui croient à une Terre plate, des platistes. Mais reprenons les choses au début.

Tout est parti de cet article du blog de Météosuisse, titré « L’onde de choc du Hunga Tonga passe par la Suisse ». Entre 4h et 5h UTC, le 15 janvier 2022, le volcan Hunga-Tonga, dans les îles Tonga, au milieu du Pacifique, explose. C’est un fait.

Explosion du Hunga Tonga

Les scientifiques de la NASA estiment la puissance de l’explosion entre 5 et 30 mégatonnes. Elle a été suffisante pour pratiquement volatiliser l’île volcanique.

Dans son article, Météosuisse indique que les deux ondes de choc atmosphériques ont pu être mesurées sur les baromètres suisses.

Une onde de choc, comme on peut parfaitement bien le voir lorsqu’on lance une pierre dans un étang, est une succession de hauts et bas qui se déplacent de manière concentrique. C’est du reste ce qui a été observé par satellite, comme c’est expliqué dans cet article de Nature.

Alors pourquoi deux ondes de choc? Et bien parce que les îles Tonga ne sont pas exactement à l’opposé de la Suisse, sur la sphère terrestre. Une onde de choc se déplace en un cercle toujours plus grand autour de son endroit d’émission. Entre cet endroit et un point de mesure, on trace donc une ligne droite. La première onde de choc est celle qui a eu le moins de chemin à parcourir pour atteindre la Suisse. La seconde a pris le chemin exactement opposé, et donc a eu un plus grand chemin à parcourir.

Cela aurait été rigoureusement impossible si la Terre avait été plate. En effet, il n’y aurait eu qu’une seule onde de choc, la seconde ne pouvant pas faire le tour de la planète de l’autre côté!

Et ce serait la même chose, quelle que soit la représentation platiste.

C’est là que tout bon complotiste devrait me rétorquer qu’il s’agit de données gouvernementales, donc issues de la conspiration mondiale. Certes. Donc si Météosuisse a pu mesurer les deux ondes de choc sur ses instruments de mesure, est-ce que je suis moi aussi en mesure de le faire? Car il se trouve que je possède une station météo amateur à mon domicile. Un Mac Mini collecte chaque minute les données de cette station météo. Il s’agit de matériel de qualité.

Station Davis Vantage Vue, installée à mon domicile

Selon le graphique de Météosuisse, je devrais voir la première onde de choc le 15 janvier vers 20h00 et la seconde le 16, juste après minuit. Voici ce que j’ai donc pu observer sur le graphique hebdomadaire des pressions:

Les deux ondes de choc sont visibles aux bonnes heures.

Je suis donc allé chercher dans l’ordinateur connecté à la station météo les données brutes pour les 15 et 16 janvier. Ces données sont disponibles ici:

Voici ce que cela donne sous forme de graphique:

Les deux ondes de choc sont clairement visibles

De telles variations de pression, durant un laps de temps aussi réduit ne peuvent être dues qu’à des ondes de choc atmosphériques. En l’occurence, ici, celles de l’explosion du Hunga Tonga. Il y a donc bien eu deux ondes de choc principales.

Mais sachant qu’une onde de choc se déplace dans l’atmosphère à la vitesse du son, connaissant l’heure de l’explosion du volcan, et les heures de mesure des ondes de choc chez moi, il doit donc être possible de mesurer la circonférence de la Terre! Alors allons-y!

Comme on peut le voir ci-dessous, on peut estimer l’heure de l’explosion vers 4h50 UTC, soit à 5h50, heure suisse.

Source: https://cimss.ssec.wisc.edu/satellite-blog/archives/44252

Le pic de mesure de la première onde de choc a été mesuré à 20h45, avec 1023.77 hPa. Il s’est donc écoulé 14 heures et 55 minutes, entre l’explosion et l’arrivée de l’onde de choc en Suisse (donc 14.9 heures). La vitesse de déplacement d’une onde de choc dans l’air est celle du son, en moyenne 1224 km/h. La distance parcourue par la première onde de choc est donc de 18’258 km.

Le pic de la seconde onde de choc a été mesuré à 0h06, avec 1022.35 hPa. La seconde onde de choc a donc mis 18 heures et 16 minutes pour parvenir en Suisse (donc 18.26 heures). La distance parcourue est donc de 22’358 km.

L’addition des deux distances va donc nous donner la mesure de la circonférence terrestre, soit 18’258+22’358=40’616 km. La mesure réelle de la Terre à l’équateur est de 40’075 km… soit à peine plus d’1,3% d’erreur!

Il est intéressant de constater qu’un événement qui se déroule presque à l’autre bout de la Terre peut avoir des conséquences mesurables dans notre atmosphère, localement. Il reste maintenant à savoir s’il y aura des conséquences climatiques à l’explosion du volcan Hunga Tonga. Dans les faits, comme me le fait remarquer un ami, j’ai juste démontré que mes données sont conformes à mon hypothèse. J’ajoute que mes données permettent d’approcher d’assez près la mesure de la circonférence de la Terre réalisée selon une autre méthode par le mathématicien et astronome grec Eratostène… au III ème siècle avant Jésus Christ!


Liseuse électronique: lettre à l’école de ma fille

Sommentier, le 8 janvier 2019


Mesdames,


Ma fille, Amélie, est une très grande lectrice, au point d’avoir épuisé la bibliothèque scolaire et de nous avoir valu des achats très importants en librairie et sur Amazon. Ma femme et moi sommes aussi de très grands lecteurs. Nous avons abandonné l’achat de livres physiques au profit des livres électroniques (ebooks), lus sur des liseuses, faute de place pour continuer à stocker nos livres. Amélie se trouvant devant le même problème, nous lui avons acheté une liseuse de qualité, de marque Kobo. La plupart des bibliothèques permettant un emprunt d’ebooks, nous avons maintenant de quoi alimenter sa curiosité.


Ce soir, Amélie m’a dit qu’elle avait pris sa liseuse à l’école, afin de pouvoir continuer son livre. Si, pour ma part, je n’y suis pas opposé, je l’ai rendue attentive au règlement de l’école qui stipule que: « L’utilisation de matériel électronique de télécommunication et de divertissement est strictement interdite dans le périmètre scolaire et dans les bus.« 

Nous avons pu prendre un moment pour discuter ensemble de ce règlement et de son côté très flou dans la définition des appareils interdits. Pour elle, la lecture est un divertissement. En tant que parent et enseignant, j’affirme que la lecture est de l’éducation. Qu’en est-il alors des appareils de photo, qui, s’ils sont électroniques, ne sont ni de télécommunication ni de divertissement? Avec Amélie, nous avons mis les points suivants en avant:

  • Une liseuse n’a pas de connexion à Internet via les réseaux de téléphonie mobile.
  • Si elle a une connexion WiFi, ce n’est que pour la synchronisation des livres et la mise à jour de la liseuse.
  • L’écran d’une liseuse est en noir et blanc et s’il permet d’afficher une page de livre avec une qualité bien supérieure à celle d’un livre de poche, sa réactivité ne permet aucun jeu.

Une liseuse ne sert qu’à lire.
La liseuse du modèle d’Amélie ne permet pas la lecture de fichiers audio.
Une liseuse est donc certes un appareil électronique, mais qui ne peut pas communiquer et qui, s’il est de divertissement, c’est par la lecture, tout comme un livre. Or, je ne conçois pas une école qui interdise les livres. J’ai donc promis à Amélie de vous écrire cette lettre, afin de pouvoir clarifier la situation, ce d’autant plus qu’elle s’inquiète pour le camp de ski. Je l’ai prévenue que ce faisant, une décision serait prise par l’école et que si, comme d’autres de ses camarades, elle a jusqu’ici pu bénéficier de la libre appréciation des enseignants concernant l’usage de liseuses, elle court le risque d’avoir une règle ferme, qui peut lui être défavorable. Amélie se conformera à la décision de l’école.
En tant que parents, et bien qu’attachés à l’objet livre, ma femme et moi avons fait le choix de la liseuse (de qualité) pour notre fille pour les raisons suivantes:

  • Taille et poids réduits.
  • Ecran e-ink de qualité qui permet un affichage bien meilleur que celui d’un livre de poche imprimé, avec parfois même un meilleur contraste.
  • Possibilité de choisir sa police et d’adapter la taille des caractères pour une lecture agréable.
  • Eclairage incident doux (comme celui d’une lampe sur une page) et pas rétroactif (au contraire d’un smartphone ou d’une tablette), avec filtre anti-lumière bleue la nuit.

En tant qu’enseignant spécialiste MITIC et auparavant en charge de l’équipement informatique des élèves DYS pour mon école, je peux ajouter que la liseuse est un outil de lecture parfaitement adapté pour l’éducation, car:

  • Une liseuse est fine. Il n’y a donc pas l’effet de peur et de découragement de certains enfants devant l’épaisseur de certains livres.
  • La liseuse adapte la forme du texte à l’élève. Pour certains, avoir une grande écriture est rassurant.
  • Les liseuses permettent de choisir des polices pour dyslexiques (OpenDyslexic, par exemple), de modifier l’écart entre les lettres, les lignes et les mots, afin d’adapter le texte aux besoins de chaque élève.

En conséquence de quoi, Amélie et moi vous demandons de bien vouloir formellement autoriser (ou pour le moins tolérer) les liseuses équipées d’écran e-ink en noir et blanc, dans la mesure où elles ne peuvent servir que pour la lecture. J’ajoute que je suis conscient du fait qu’une liseuse est plus onéreuse et plus fragile qu’un livre. C’est la raison pour laquelle nos liseuses sont assurées. Je prends l’entière responsabilité en cas de perte ou de dégât, et décharge par conséquent les enseignantes et l’école de toute responsabilité à ce sujet.

J’ai la ferme conviction que la lecture et l’écriture sont la plus grande conquête de l’Humanité. Elles lui ont offert la connaissance, la culture, la philosophie, les mathématiques, la physique et donc la Lune. Le contenu importe plus que le contenant. La liseuse n’est que l’itération moderne des tablettes d’argile mésopotamiennes. Quand Amélie a visité la réplique de la grotte Chauvet, avec les reproductions de l’expression d’hommes ayant vécu il y a plus de trente millénaires, elle s’est retrouvée face au livre primal. Aujourd’hui, son livre est d’un format plus pratique, mais possède tout autant de poésie, d’imagination et d’évasion.

En vous remerciant par avance de bien vouloir autoriser les élèves de l’école à apporter et utiliser une liseuse, je vous prie, Mesdames, d’accepter mes salutations les meilleures.

[EDIT 20 janvier 2019]

J’ai eu une réponse de la responsable d’établissement. Réponse tout en nuance et argumentée. Voici le résumé:
Les liseuses (donc de type e-ink) sont autorisées à l’école et dans les bus, sauf:
– A la récréation qui est un moment de jeu et de partage.
– Pendant les camps, qui sont des moments de vie en communauté.

C’est un oui, mais.

La réponse est pour moi claire, de même que les exceptions. Ces dernières ont été justifiées. Je m’y conforme d’autant plus volontiers que les enseignants emporteront une caisse de livres de la bibliothèque au camp.

Ma fille pourra donc prendre sa liseuse en classe pour les moments d’occupation libre. La liseuse est sous ma responsabilité. Et cela a permis une leçon d’éducation citoyenne à ma fille.


Quelle alternative à WhatsApp en milieu scolaire?

De (très) nombreux enseignants utilisent WhatsApp via un groupe de classe pour communiquer avec leurs élèves et faire de la gestion de classe. Par ailleurs, de nombreux enseignants utilisent WhatsApp entre eux pour s’échanger des informations sur les élèves (absences, souci de comportement…). Tout comme pour l’utilisation de DropBox, cela pose un certain nombre de problèmes légaux; en particulier dans la mesure où les données ne sont pas hébergées en Suisse ni soumises à un for juridique suisse ou à un accord spécifique entre la Suisse et l’entreprise. À cela s’ajoute enfin le fait que WhatsApp vient d’augmenter l’âge minimum dans la « région européenne » (qui inclut nommément la Suisse) pour l’utilisation de son logiciel de 13 à 16 ans. Sans exception. Mais aussi sans volonté claire de procéder à un contrôle de l’âge de ses utilisateurs.

Cela à cause (ou grâce) au nouveau règlement sur la protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur, et qui touche indirectement les citoyens suisses, souvent englobés dans l’Europe dans les conditions générales des entreprises. Or, le RGPD fixe à 16 ans l’âge auquel un mineur peut consentir seul au traitement de ses données à caractère personnel et donc accéder à des services demandant des données personnelles. Cela concerne pratiquement tous les services demandant une inscription, y copris de nombreux sites ou applications pédagogiques.

Il faut bien comprendre que l’usage de WhatsApp (mais aussi de DropBox) s’est imposé, en particulier pour cause d’absence d’alternative crédible mise à disposition par les départements de la formation. Sans système de gestion informatique des absences, en l’absence de cloud scolaire officiel et d’une plateforme d’échange entre professionnels simple à utiliser (à l’exception du mail d’Educanet2), ce sont des outils largement utilisés à titre privé qui ont pris place dans l’espace vide. Or si WhatsApp s’est imposé, c’est parce que c’était l’outil naturellement utilisé par les élèves à titre privé, mais aussi les enseignants.

S’il est encore possible de se passer de ces outils, il faut néanmoins constater que la numérisation de l’école les rend a minima pratiques, si ce n’est pas indispensable. Nous sommes ainsi de très nombreux enseignants à devoir payer de notre poche un compte DropBox Pro (99$/an) pour un usage professionnel.

En 2016, le préposé à la protection des données et à la transparence de Neuchâtel et Jura a publié un article sur l’usage de WhatsApp en milieux scolaire.Voici le point principal:

« L’utilisation de WhatsApp est déconseillée, mais les enseignants peuvent communiquer avec les élèves par ce service si l’ensemble de la classe l’utilise déjà, ou que ceux qui ne l’ont pas encore ne sont pas poussés à le faire. Dans tous les cas, il serait bien que l’utilisation soit préalablement accompagnée d’informations à propos des dangers de tels services au niveau de la protection des données personnelles. »

Entre-temps, WhatsApp a modifié ses conditions générales pour partager une partie de ses données avec Facebook, au point que ses deux cofondateurs, en désaccord avec Facebook, ont quitté le navire.

Cesla Amarelle est consciente de la problématique. Elle aborde le sujet dans cette interview (dès 5’30’’): Interview RTS. La Cheffe du Département n’interdit pas l’utilisation de WhatsApp (mais cette interview date d’avant l’interdiction de WhatsApp aux moins de 16 ans), si l’outil est cadré et maîtrisé par les enseignants. Elle privilégie très justement l’éducation à l’interdiction. En effet, avoir un groupe de classe implique que les élèves s’y comportent d’une manière correcte tout en suivant des règles imposées par l’enseignant. Cela aura encore plus d’effet si l’enseignant discute de ces règles avec les élèves et les explique.

Sébastien Fanti, le bouillonnant préposé à la protection des données du canton du Valais, incite les enseignants à abandonner WhatsApp au profit de Threema (https://threema.ch/). Il s’agit d’un logiciel de chat, tout comme WhatsApp, mais d’origine suisse, extrêmement crypté et dont toutes les données sont hébergées en Suisse. Le hic: l’application vaut 3.-. Il existe une version Pro, avec un tarif éducation. L’application est alors gratuite, mais il faut payer 9.- par élève et par an… M. Fanti ne précise pas qui doit payer. La solution est néanmoins extrêmement intéressante.

Une chose est certaine: la rentrée scolaire prochaine se fera sans WhatsApp. J’ai cherché quelques alternatives à WhatsApp pour le milieu scolaire et j’en ai fait un tableau récapitulatif:

Lien vers le tableau au format PDF: https://mitic.education/wp-content/uploads/2018/06/Comparatif_chats-1.pdf

 

Si Telegram est très largement utilisé au niveau mondial (200 millions d’utilisateurs), son histoire, son financement, son lien avec les milieux d’activisme politique en fait un outil politiquement délicat pour une institution scolaire; et ce malgré sa grande facilité d’utilisation.

Signal a l’avantage d’un code open source et de la caution d’Edouard Snowden. Tout comme Telegram, il est gratuit, multi-plateforme et simple d’utilisation. Par contre, tout comme Telegram, impossible de l’utiliser sans numéro de téléphone.

Il nous reste donc les deux régionaux de l’étape; Wire et Threema; avec une différence de pointe: Threema héberge ses données en Suisse et son app est payante (sauf dans le cas d’un plan payant annuel spécial éducation). Wire héberge, elle, ses données sur des serveurs européens. Cette entreprise ne semble du reste n’avoir qu’une adresse juridique et fiscale à Zug. L’équipe de développeurs, elle, semble être aux USA.

Au final, la meilleure solution semble être l’une de ces deux entreprises; avec une préférence personnelle pour Threema, à condition de trouver le financement nécessaire. Et c’est là le nerf de la guerre. Quel sera le choix laissé aux enseignants, entre l’interdiction totale, la plateforme imposée et une indépendance payée au prix fort.

Il reste une toute dernière alternative; à savoir une solution cantonale créée et hébergée en interne. Si une telle solution devait être choisie (et imposée), j’attire l’attention sur plusieurs points: actuellement, les ressources humaines dévolues à une telle solution seraient bien plus utiles sur d’autres fronts MITIC. Les ressources financières pourraient être allouées pour un prestataire extérieur sous contrat, comme cela serait le cas de Thremaa. Ce dernier supporte aussi les investissements nécessaires dans l’infrastructure et le développement. Sans compter que c’est aussi lui qui sera légalement responsable en cas de problème. Développer une solution interne signifie développer aussi des app devant être compatibles avec une multitude d’appareils. Enfin, une solution technologique a toujours plus de chance d’être largement et facilement adoptée lorsqu’elle est imposée, quand elle fait partie des outils déjà utilisés à titre privé. Pourquoi réinventer la roue?

 

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Présentation des studios de télévision du RadioBus

Le RadioBus met (gratuitement!) à disposition des écoles vaudoises deux studios de télévision, y compris avec fond vert (greenscreen) pour y faire de l’incrustation en direct!

Afin de faire découvrir cet outil incroyable, ma collègue Pauline m’a donné un petit coup de main pour présenter le projet. Je vous laisse découvrir ce que cela donne.


 


De la carte à l’impression 3D du relief (partie 1)

Pour moi, une carte c’est un média. Elle fait donc partie des MITIC.

Minecraft, c’est génial pour développer la vision dans l’espace. Mais il ne faudrait pas oublier l’orientation dans le plan. Objectif: se repérer sur la carte, s’orienter et localiser les éléments connus (les amis, l’école, la gare…). Objectif secondaire: orienter la carte correctement selon les points cardinaux à l’aide d’une boussole.

Prochaine étape: lecture du relief sur la carte au 1:25000, avec l’aide de Google Earth et d’une impression 3D du relief local.

J’ai trouvé la maison de Yaëlle!


Sphero Mini: un outil pédagogique?

L’entreprise américaine Sphero commercialise depuis quelques années une petite boule robotisée appelée Sphero (mais aussi des droïdes Star Wars comme BB8). Ces petits robots se pilotent à l’aide d’une tablette ou d’un smartphone.

Si le Sphero conventionnel à la taille d’une balle de baseball, le Sphero Mini, dernière venue, a la taille d’une balle de ping-pong. Surtout, son prix est près de trois fois inférieur à celui du Sphéro SPRK+ (moins de 60.- pour la Mini, alors que la SPRK+ est proche des 170.-). Petit prix, petite taille, mais tout d’une grande, comme cette petite vidéo publicitaire le montre.

Car oui, outre les activités ludiques, Sphero a développé une plateforme éducation; les Sphero (y compris les modèles droïdes Star Wars) peuvent se programmer avec une plateforme proche de Scratch ou directement en JavaScript. Il est même possible de définir une trajectoire en la dessinant! Les possibilités s’étendent donc de l’enfantine au gymnase!

Et là, je dois dire que c’est vraiment bien conçu. Voici un petit exemple: le carré, avec changement de couleur (oui, parce qu’il y a des LEDs RGB dans les Sphero).

Et voici le même carré, avec une boucle et une variable définissant la direction et s’incrémentant de 90° à chaque face

Et comme le Sphero est bourré de capteurs (accéléromètre, gyroscope…), on peut vraiment pousser la programmation en mode graphique très loin; plus loin que ce que permet un Thymio, par exemple, et proche de ce que permettent des Lego Mindstorms; mais pour bien moins cher.

Personnellement, j’aime beaucoup le retour en direct des capteurs sous forme de graphique, lorsqu’on exécute le programme.

Visuellement, c’est très parlant de confronter les données issues des capteurs à la réalité du déplacement. Une autre chose que j’aime beaucoup avec le Sphero, c’est que comme pour le Thymio (et contrairement aux Lego Mindstorms), on peut directement commencer la programmation, sans passer par une phase de montage souvent chronophage et difficile à gérer avec des jeunes élèves. Contrairement au Thymio, par contre, il n’y a pas d’interaction avec l’environnement. Il n’y a, par exemple, pas tous les capteurs de distance du Thymio. On se concentre donc sur la gestion des mouvements.

 En cherchant, j’ai trouvé plein d’activités géniales (et dont beaucoup pourraient être adaptées pour d’autres robots pédagogiques). Surtout, j’ai apprécié les approches artistiques du Sphero. Voici quelques exemples…

Peindre comme Pollock:

Faire du light painting:

On peut aussi utiliser un ou plusieurs Sphero pour réaliser des chorégraphies, comme cet exemple sur Pierre et le loup. Je vous encourage à aller voir le diaporama suivant: https://docs.google.com/presentation/d/1N5fWKOBDAP0DPNH9ZpVppFHrqVeYlbcGH7IZvxzWogQ/edit?usp=sharing

Et si en plus, on a des Sphero et une imprimante 3D, c’est le gros lot:

On trouve de très nombreuses créations en impression 3D pour le Sphero, librement partagée sur Internet: https://www.thingiverse.com/search/page:1?q=sphero.

Celle-ci est particulièrement impressionnante:

 

A part la taille, quelles différences entre le Sphero 2 ou SPRK+ et le Sphero Mini? Les premières sont dotées d’une coque circulaire en polycarbonate qui ne peut pas s’ouvrir. Le Sphero est donc étanche. La recharge se fait par induction. Le Sphero Mini a une coque plus fragile (mais interchangeable le jour où on les trouvera dans le commerce) et la charge se fait par un câble USB. A part cela, l’un comme l’autre permettent de réaliser la plupart des activités pédagogiques. Et le coup de génie, c’est que pour l’enseignant, la prise en main est rapide. La construction d’un cours aussi. L’application Sphero EDU permet à la fois l’enregistrement en tant qu’élèves qu’en tant qu’enseignant. Dans ce dernier cas, on peut créer sa classe, y ajouter ses élèves et gérer ainsi le cours.

Comme je l’ai déjà dit, le Sphero peut s’utiliser de l’enfantine au gymnase. Il permet non seulement de travailler l’introduction au code informatique, mais aussi la créativité, les mathématiques, les sciences… Surtout, il s’agit, comme tous les robots pédagogiques, d’une approche physique et pas abstraite de l’informatique. Aujourd’hui, avec tout ce qui est automatisé autour de nous et l’avènement de l’Internet des objets, il est important de sortir de l’écran et de faire communiquer l’informatique avec le monde réel.

Mais si un petit robot à moins de 60.- pour le Mini ou 160.- pour le SPRK+ est aussi polyvalent, pédagogiquement aussi riche, pourquoi donc est-il quasi inexistant dans les écoles vaudoises? Peut-être simplement parce que son utilisation nécessite une tablette ou un smartphone… deux objets jusqu’ici quasi rigoureusement bannis de nos classes!

 


Journée du numérique

Hier, à Yverdon, s’est tenue la Journée du numérique 2017: « Education numérique : quels enjeux pour l’école vaudoise ? ». Cette journée a été initiée (peut-être un peu vite; l’organisation en a pâti!) par Cesla Amarelle, notre nouvelle Conseillère d’Etat.
Le matin a été consacré aux interventions de Mme Amarelle ainsi qu’à un cycle de conférences. L’après-midi, 37 ateliers avaient été organisés par les enseignants vaudois autour du numérique.
Les interventions du matin peuvent être réécoutées ici: http://www.radiobus.fm/podcast/journee-du-numerique

J’y étais, pour présenter un atelier Arduino. Et j’en ressors avec un sentiment très positif, mais aussi quelques inquiétudes.

Cesla Amarelle est une femme d’action (et cela nous change!). En juin, lors de son discours inaugural, elle a clairement exprimé les enjeux de l’éducation numérique pour les élèves vaudois et montré ainsi la direction qu’elle prendrait. Ce n’était pas qu’une vaine promesse ou des mots vites envolés. Madame Amarelle est passée à l’action. Ainsi, le programme 2017-2022 de législature du Conseil d’Etat est plus qu’explicite:

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Nous, les vieux briscards vaudois de l’informatique pédagogique, cela fait 15 ans qu’on ronge notre frein en attendant un tel signal! Mais cela signifie aussi qu’on sort de 15 ans de traversée du désert. Et cela sera le principal écueil et le principal danger que Madame Amarelle devra éviter et affronter.

En 15 ans, l’informatique pédagogique vaudoise a vivoté et de nombreux pans ont été démantelés. La filière de formation d’enseignants en informatique pour le secondaire 1 a été simplement fermée à la HEP Lausanne. La décision était logique, puisque Madame Lyon a décidé de supprimer les cours d’informatique durant l’école obligatoire. Les Répondants informatiques (fonction capitale dans un établissement) n’ont jamais été formés, s’épuisent au travail, abandonnent leur fonction ou partent à la retraite. Et il est très difficile de trouver un enseignant volontaire et apte à prendre la relève. La formation PressMITIC a été elle aussi supprimée. Ces derniers ont souvent parfois abandonné leurs tâches, faute de moyens et de temps mis à leur disposition. Les forces sont donc réduites et il va être important de tenir compte de ce facteur.

Si l’informatique pédagogique a survécu ces dernières années, c’est entre autres grâce à l’engagement d’enseignants sur le terrain et de certains directeurs convaincus. Cela, Madame Amarelle semble l’avoir compris, puisque la journée du numérique s’est appuyée sur un appel à projets auprès des enseignants, qui ont répondu présents. 37 ateliers ont été organisés. Malheureusement pour une centaine seulement de participants… La faute très certainement à trop de précipitation; à un calendrier trop serré entre l’annonce de la journée, l’appel à projets et sa tenue. La communication n’a pas eu le temps d’être préparée convenablement ni diffusée. Par exemple, j’ai été mis au courant par hasard de cette journée. Beaucoup de collègues engagés dans l’informatique pédagogique ne l’étaient pas non plus. La communication dans les établissements est arrivée très tard (Et parfois, elle n’est même pas arrivée…); sachant qu’en plus cette journée est organisée un samedi, hors temps d’école.

La reconnaissance du travail sur le terrain par Madame Amarelle est bienvenue et remotivante. Cette journée était organisée pour nous, pour nous remettre le pied à l’étrier. On s’est en effet retrouvé « entre nous ». Il y avait peu de « nouvelles têtes ».

Clairement, les enseignants présents représentent les imitateurs et les affûtés. Enfin, ceux qui n’ont pas jeté l’éponge entre-temps.

Nous sommes plusieurs à nous être dit que ce n’est pas nous qui devrions être à convaincre de l’intégration des MITIC dans l’enseignement. Mais après réflexion, je pense que ce n’était pas l’objectif de la journée. Ce dernier était manifestement de donner le signal de départ d’une politique active d’intégration du numérique dans l’école et de nous y impliquer. En cela, c’était réussi!

Le message de Madame Amarelle peut se résumer de cette manière: oui à une école numérique, mais pas à une technophilie béate. Ce n’est pas l’équipement qui importe, mais ce qu’on en fait et les plus-values qu’il apporte pour l’enseignement. On prend la direction d’une culture numérique à l’école. Et c’est la bonne direction! Ce n’est pas seulement de moyens matériels dont nous avons besoin, mais surtout de moyens humains.

Merci, madame Amarelle, pour votre accessibilité et la reconnaissance du travail de la base. Ne perdez surtout pas le contact avec le terrain; ne laissez pas l’information venir jusqu’à vous au travers de « filtres ». Vous avez su, lors de cette journée, nous convaincre et nous engager à vos côtés.

  • [EDIT 3 déc] Le communiqué officiel parle de plus de 300 praticiens participants, dont 60 enseignants pour animer les ateliers. Sachant qu’il y avait un peu plus de 130 inscrits aux ateliers (quand même pour 35 ateliers… ça ne fait pas beaucoup), plus les 60 animateurs (qui ne pouvaient pas s’inscrire aux ateliers), on arrive à 200. En y ajoutant ceux qui sont venus sans participer aux ateliers, ceux qui ont participé aux ateliers sans s’inscrire (il y en a eu), les invités, la DP, les membres du CIPEO,… on doit en effet avoir atteint 300 personnes au total.
  • [EDIT 3 déc] Ajout du lien vers le programme de la journée.

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RTS: « Un frémissement » pour la Suisse numérique

Décidément, il ne se passe plus une semaine sans qu’on parle du numérique dans les médias, et en particulier du numérique à l’école. A nouveau, la Radio Suisse Romande qui nous offre une réflexion. Ça devient particulièrement intéressant pour l’école à 13’55 »:

Le discours sur l’analphabétisme informatique, choisi et consenti par la population, est très intéressant. L’école est au centre. Les Digital Native sont surtout des Digital Naïves!

« L’école c’est un pivot ». « Il y a zéro heure de prévue pour l’enseignement de l’informatique durant toute la scolarité ».

Le constat est sans appel…

 


Pour des Humanités numériques

Pour des Humanités numériques: la place de l’Homme face à la machine, ou la machine priée de rester à sa place.
« On va avoir du numérique dans tout, mais tut ne se réduit pas au numérique ».
Plaidoyer pour une culture du numérique à l’école pour préparer le post-digital, mais inutile de vouloir faire de nos élèves des informaticiens; ils seront de futurs chômeurs remplacés par des IA. Point de vue intéressant sur ce que devraient être les cours de culture numérique à l’école.

La Radio Suisse Romande a diffusé ce samedi une émission très intéressante sur le sujet, avec comme invité Dominique Vinck, professeur à l’UNIL. L’émission se réécoute ici.

Du coup, je me suis empressé de commander le livre de Dominique Vinck: Humanités numériques : La culture face aux nouvelles technologies (ed. Le Cavalier Bleu).


Petit exercice d’éducation aux médias numériques

J’ai vu passer sur Facebook une vidéo très intéressante:

Elle se trouve ici: https://brunobertez.com/2017/03/28/macron-decode-par-un-gamin-bien-plus-fort-que-fillon-faites-circuler-un-sacre-travail/

Le contenu est circonstancié, à charge (non mais franchement, vous pensiez vraiment que Macron était meilleur que les autres?). Mis à part des commentaires et avis personnels très peu professionnels, cette vidéo est d’une bonne facture. Passons-là donc au filtre d’analyse des médias des 3QPOC. Et là, ça commence à coincer.

Primo: qui a réalisé cette vidéo? Qui est filmé? Aucune source, aucune information. Simplement, cette vidéo est publiée sur le blog de Bruno Bertez. Petit résumé Wikipedia: « Bruno Bertez, né en septembre 1944, est un patron de presse français spécialiste de l’information financière. Patron d’un groupe de presse spécialisé dans l’économie et la finance, il fonde le quotidien La Tribune. Il écrit régulièrement dans le quotidien des affaires suisse, L’Agefi. Il est blogueur régulier des sites d’information Blog à Lupus, brunobertez.com, Atlantico et Lesobservateurs.ch. » Et oui, un financier, qui contribue régulièrement au site lesobservateurs.ch, très à (l’extrême) droite (http://www.hebdo.ch/…/le-site-les-observateursch-va-t…). Bon. Cliquons sur le lien youtube de la vidéo. Oh surprise (non, en fait, pas tant que cela…). On tombe sur la page youtube officielle de Marine le Pen 2017. [EDIT: Il ne s’agit pas de la chaîne YouTube officielle de Marine le Pen, mais d’une chaîne animée par un militant, semble-t-il]. https://www.youtube.com/watch?v=9FyWTNBpe_s.

Mais c’est trop simple. J’ai donc recherché l’origine réelle de la vidéo et j’ai fini par trouver. Elle provient de la chaîne YouTube Trouble Fait, qui a la particularité de faire du facts checking. Et lorsqu’on va sur la page de la vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=1xjq2qV5geU, là, tout change: les sources sont citées.

 

Très intéressante et très belle démonstration de l’honnêteté intellectuelle des militants du Front National (mais est-ce si étonnant?): ils ont simplement ripé la vidéo pour l’intégrer sur leur chaîne YouTube, sans aucun crédit à l’auteur original. En passant, ils empochent aussi les revenus publicitaires. Et si la vidéo originale totalise à cette heure presque 113’000 vues, celle de MLP 2017 en est déjà à presque 42’000 vues. Et surtout, l’espace commentaire est un vrai défouloir.

Est-ce que les militants du Front National relaieront aussi une vidéo de Trouble Fait sur Marine le Pen, pour peu qu’elle existe un jour?

 

[EDIT] A propos de l’article Wikipedia sur Bruno Bertez

Bruno Bertez semble être un personnage assez controversé, à défaut d’être controversant. Il publie des articles sur des nombreux sites et blogs controversés. L’article wikipedia qui lui est consacré est au contraire très lisse. Petit complément d’enquête.

Dès qu’on lit un article Wikipedia sur une personne ou un sujet un tant soit peu controversé, il faut impérativement vérifier la page « Discussion »:

On y trouve tous les débats entre les auteurs sur le sujet. Parfois, ce sont de véritables batailles rangées qui y ont lieu. Ici, rien à signaler. Allons donc jeter un oeil dans l’historique:

Et là, c’est très intéressant. L’article a été créé en 2012 par un utilisateur ayant le pseudo Tango Panaché. Sa page semble montrer qu’il est spécialisé dans les sujets économiques. C’est un gros contributeur de Wikipédia (plus de 30’000 contributions). On peut donc le considérer comme relativement fiable. Mais plus intéressant, à peine créé, l’article a été modifié par des utilisateurs anonymes:

Et là, l’adresse IP 88.187.152.49 apparaît plusieurs fois. Voyons donc où pointe cette adresse, via une recherche sur https://www.iplocation.net. L’adresse IP pointe vers Jouy-le-châtel, en France:

Un petit doute s’installe… ah oui, il y a bien un Bruno Bertez qui habite Jouy-le-châtel.

De là à penser que Bruno Bertez modifie lui-même l’article qui lui est consacré… en fait, il ne s’en cache pas:

A sa décharge, il a surtout effectué quelques corrections mineures et ajouté quelques précisions. Ses activités sur sa propre page ne semblent pas prêter à polémique. Selon les règles de Wikipédia, rien n’empêche un utilisateur de créer ou modifier une fiche à son nom. Mais cela n’est pas recommandé. Il convient donc de toujours prendre du recul avec les articles de Wikipédia.